Ivo Pogorelich à la Salle Gaveau

Le légendaire Ivo Pogorelich jouait à la Salle Gaveau. Je me souviens de l’impact physique que le pianiste croate avait sur le public – et sur moi-même – les 2 premières fois que je l’ai vu, il y a près de 20 ans. J’avais eu le privilege de voir un bon nombre de pianistes extraordinaires au fil des ans – Brendel, Perahia, Lupu, Zimerman, Koroliov, Pollini, Pires, Schiff, Barenboim, Fleisher, Kocsis, Kovacevich, Istomin, Sokolov, Lugansky pour n’en nommer que quelques uns – mais le seul qui m’ait fait une impression similaire était l’immense Richter.

Depuis son retour à la scène, Pogorelich a modifié certaines habitudes et joue désormais avec partition et un éclairage minimal (comme Richter ou Sokolov), de manière que le public se concentre sur la musique plutôt que le pianiste. Sa technique reste exceptionnelle mais son approche des oeuvres peut créer une incompréhension des critiques et d’une partie du public.

Ses tempi très lents – l’opposé de Pollini – peuvent aller jusqu’à donner à l’auditeur le sentiment qu’il s’est perdu, car la mélodie peut paraître quasiment interrompue, et les oppositions de tempi et de dynamiques peuvent également perturber. Mais en plus d’avoir gardé sa technique (quelle main gauche !) Pogorelich a conservé cette capacité à entraîner l’auditeur dans son monde, qu’il veut être celui du compositeur dépouillé de l’influence de la tradition.

Il a ouvert le récital avec la 2e Ballade de Chopin suivie d’un 3e Scherzo héroique, puis a interprété le Carnaval de Vienne (Faschingsschwank aus Wien) de Schumann, avec une merveilleuse Romance et des superbes Intermezzo et Finale.

Après la pause, il a joué la Fantaisie en ut mineur de Mozart, ce chef d’oeuvre avec sa dramaturgie intense et sa beauté permanente, puis la 2e Sonate de Rachmaninov. J’apprécie assez peu la musique du compositeur russe, mais joué ainsi, j’ai beaucoup apprécié l’oeuvre : pas de sentimentalisme ou de jeu « sirupeux ». La même approche avait été prise par Angelich quand il avait enregistré les Etudes-Tableaux assez tôt dans sa « carrière ».

Pogorelich a offert en bis une remarquable Valse triste de Sibelius.

Ivo Pogorelich

Ivo Pogorelich

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