Michel Plasson, Orchestre de l’Opéra National de Paris, Opéra Bastille, Paris, 25 avril 2012
Kurt Masur, Orchestre National de France, Théâtre des Champs-Elysées, Paris, 26 avril 2012
J’ai pensé lancer ce blog avec un billet sur ces 2 maestros qui sont venus à Paris cette semaine diriger des orchestres qu’ils connaissent très bien.
Les 2 chefs partagent une connaissance intime de la musique (Plasson évidemment la musique française, mais pas exclusivement, Masur les musiques allemande & russe entre autres, de par sa jeunesse en Allemagne de l’Est), les 2 ont une approche « classique » – ce qui pour moi est un compliment – et sont aimés de leurs musiciens pour leur humanisme.
Michel Plasson dirigeait l’Orchestre de l’Opéra National de Paris à l’Opéra Bastille. Éminentissime spécialiste de musique française avec Georges Prêtre et Serge Baudo, il a choisi un programme intégralement français : les Valses Nobles & Sentimentales de Maurice Ravel, la Seconde Suite Bacchus & Ariane d’Albert Roussel et la Symphonie Fantastique de Berlioz.
Les pièces de Ravel, qui offrent des atmosphères cependant assez variées, ont été interprétées avec un goût remarquable et un équilibre exquis, avec une mention spéciale pour la deuxième. Même si la valse est la danse que j’aime le moins, j’ai apprécié chaque seconde de cette interprétation.
Je dois admettre que je ne connais pas particulièrement bien la musique de Roussel, mais la Suite Bacchus & Ariane a été une excellente surprise. Les moments sombres ont été puissants et poignants, et la Bacchanale finale avait une énergie farouche.
Mais la raison principale à ma venue était le chef d’œuvre de Berlioz : malgré 1 ou 2 petits accrocs dans la section des bois, le résultat a été magnifique, avec mention spéciale pour Scène aux champs et Marche au supplice. Sans oublier le finale, un morceau parmi les plus inouïs, d’autant plus si l’on pense qu’il a été écrit seulement 40 ans après la mort de Mozart !
Michel Plasson a ensuite parlé au public et dit quelques mots très gentils pour remercier l’orchestre et dédier le bis à Maurice André, le grand trompettiste disparu il y a quelques semaines.
En descendant du podium, Michel Plasson a trébuché mais a réussi à garder l’équilibre avec l’aide de 2 des musiciens.
Malheureusement, le lendemain même, Kurt Masur n’a pas eu autant de chance : ses musiciens de l’Orchestre National de France n’ont pu le rattraper quand il est tombé du podium sur l’espace devant le premier rang. Tomber à la renverse d’une hauteur de 1m50 est effrayant pour n’importe qui, mais encore plus pour quelqu’un qui a allègrement dépassé 80 ans. Le concert a évidemment été interrompu, les musiciens et le public atterrés. Les nouvelles de la santé du maestro ont été par la suite plutôt rassurantes, et je suis sûr que je ne suis pas le seul à lui envoyer mes souhaits de prompt et complet rétablissement.
Avant sa chute, Kurt Masur et l’Orchestre National de France ont joué la 1ère Symphonie de Chostakovitch, qui est rarement donnée en France. L’œuvre est pleine d’idées, écrite par un tout jeune compositeur (19 ans), même si certains traits sont déjà typiques de sa musique. L’interprétation a été au même niveau que l’œuvre, splendide et très vivante. Après quasiment chaque mouvement, Kurt Masur a envoyé un baiser aux musiciens, qui l’adorent.
Après l’entracte, venait la Symphonie Pathétique de Tchaïkovski. Le premier mouvement a eu toute la vigueur et la vision requise, le second a été brillamment animé avec ce flot continu lié à cette étrange valse, et le troisième se déchaînait vers un climax quand le chef est tombé. Une minute avant, j’étais en train de penser au dernier mouvement qui devait suivre, le lent Lamentoso, et j’imaginais le moment exceptionnel que nous allions vivre…
Les parallèles entre les 2 chefs et les concerts incluent aussi les 2 œuvres majeures données : le choc de ces 2 symphonies au moment de leur création, et aujourd’hui encore pour qui les écoute pour la première fois, le fait qu’elles partagent des points communs, comme la valse étrange ou les épisodes hautement énergiques ou dramatiques, enfin leur origine profondément autobiographique.
Un grand merci aux deux orchestres et chefs, en réitérant mes vœux à Kurt Masur, et en espérant le revoir prochainement.
Michel
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